Pourquoi ne pas voyager en « travaillant » ?

Voyager en « travaillant » semble être une idée, et même une envie de plus en plus répandue. Après tout, entre voyage et travail, pourquoi choisir ? Travaillons en voyageant. Voyageons en travaillant.

Pourquoi travailler (trimer ?) 330 jours par an pour 35 jours de congés au soleil quand nous pouvons y travailler, au soleil ? Avec la mondialisation, les nouvelles technologies, l’anglais, cela n’a jamais été aussi facile de voyager, et même de travailler depuis où nous le voulons. Depuis n’importe où. Tout du moins, pour certain·es.

Certain·es dont je fais partie. Et dont je serais donc partisane ? 

J’ai les moyens de me payer un passeport. Et mon passeport est français, ce qui me permet d’aller pratiquement partout dans le monde, sans grande(s) difficulté(s). Ni restriction(s). Je suis donc « libre » (autorisée ?) à voyager. 

Je parle plus ou moins anglais, suffisamment en tout cas pour me débrouiller et pouvoir travailler en voyageant. Je suis « éduquée » et je suis consciente que même si le marché de l’emploi reste « tendu », je suis plutôt « favorisée » par mes diplômes. Je suis jeune et j’ai grandi avec internet dont je maîtrise les codes et l’utilisation. 

Bref, je fais partie de ceux et celles qui peuvent voyager. Parcourir le monde. Et pas seulement en vacances, mais aussi en se prenant un petit « sabbatique », comme on dit. Et dont le petit « sabbatique » sera même valorisé (recherché) par de potentiel·les employeur·euses, au retour. Alors pourquoi se priver ? 

Quand on peut, on veut ? Quand on voit tout le monde faire, on veut faire aussi ? Quand c’est valorisé, c’est recherché ? Désiré ? 

Alors, en bon cliché (produit ?) de mon environnement, j’ai fini par, moi aussi, attraper mon « back-pack », prendre des billets d’avion et partir plusieurs mois en Amérique latine avec l’idée de voyager et de travailler. D’alterner voyage et travail. De mêler l’agréable à l’utile. L’utile à l’agréable. 

Avec l’idée de vivre une expérience folle ? De voir du pays ? D’ajouter une jolie ligne à mon CV ? D’apprendre une langue ? De me sentir libre ? Vibrer ? D’expérimenter. Car aujourd’hui, on ne voudrait plus seulement vivre mais surtout expérimenter, paraît-il. 

Pouvoir voyager « autrement » ?

Je ne sais pas combien de fois j’ai entendu autour de moi quelqu’un·e dire qu’il ou elle avait envie de voyager autrement. Ce n’est d’ailleurs pas propre au voyage ou au travail, je crois. On veut tous et toutes faire « autrement », être « autrement ». Moi, la première. Pour se différencier des autres. Pour se sentir « autre », et donc « différent·e ». Unique ?

Les deux critères principaux du « voyage autrement » sont le temps et la liberté, il me semble. Deux « critères » (obsessions ?) récurrents dans l’histoire de l’humanité.

Voyager plus longtemps ?

Quand j’ai décidé de partir plusieurs mois en Amérique Latine, j’ai vite réalisé que ce serait difficilement tenable d’un point de vue économique. Ou tout du moins que je pourrais voyager beaucoup plus longtemps si je travaillais à côté. 

De là, plusieurs options « s’offraient » à moi. Je pouvais prétendre au Programme Vacances-Travail (PVT) qui me permettrait de pouvoir travailler légalement dans le pays correspondant à ma demande. Je pouvais travailler en freelance avec des client·es du monde entier et m’essayer « digital nomad ». Ou encore expérimenter le Woofing, ou d’autres formes de travail (travaux ?) en nature, c’est-à-dire moyennant toit et nourriture. 

J’ai finalement retenu cette dernière option et me suis inscrite sur le site workaway mettant en relation hôtes et voyageur·euses, partout dans le monde. Je me suis dit que cela me permettrait d’alterner les périodes de voyage où les frais peuvent vite exploser, entre l’hébergement, la nourriture, et les activités, et les moments de travail me permettant de vivre (voyager ?) à moindre(s) coût(s). J’aimais bien l’idée aussi d’alterner périodes de mouvement et périodes de sédentarité. De nouveautés et de quotidienneté. De découvertes et de repères. 

Voyager plus librement ? 

J’ai aussi pensé que cela me permettrait de voyager plus librement. Plus librement car « délivrée » des préoccupations économiques d’un budget (trop ?) serré ? Plus librement car sans contrat ? Sans date de fin ? Plus librement car disposant de plus de temps et donc de la liberté de prendre mon temps ?

Ce sentiment de liberté était d’ailleurs celui que je recherchais le plus, je crois. J’avais envie de me sentir libre. De me sentir responsable. 

D’être libre de choisir mes mouvements. De pouvoir me mouvoir. De ne pas faire du sur-place. À moins que j’en ressente l’envie (ou le besoin ?), de rester sur place. En place.

D’être libre de choisir où je m’arrête, et où je trace ma route. 

D’être libre de choisir, tout court. D’être responsable de mes choix. 

D’être libre de choisir les travaux à réaliser. Les missions de travail à effectuer. L’environnement dans lequel travailler. Ou ne plus travailler.

J’avais choisi de travailler pour voyager plus librement. Plus longtemps. Et de voyager pour travailler plus librement ? Autrement ?

Vouloir travailler « autrement » ?

Ce que nous ne trouvons pas chez nous, nous finissons par le chercher ailleurs. Autre part. Ne dit-on pas d’ailleurs que l’herbe est toujours plus verte chez nos voisin·es ? 

Alors le travail autrement, je l’ai cherché, autre part. Et je pensais le trouver, « autrement », autre part. 

Un état d’esprit ? 

Cette idée « d’autre », littéralement (latinement) « d’alter », ce serait pas un peu (beaucoup ?) une idée de hippie(s) ? Un état d’esprit « hippique » ? Épique ? Vous savez de ceux et de celles qui rêvent d’un autre monde. Qui sont (se revendiquent ? sont étiquetté·es ?) « altermondialistes ». 

C’est un peu l’image que j’avais de ceux et celles qui choisissaient (pouvaient choisir ?) de voyager, de mener une vie « nomade », ne serait-ce que pour un temps. Qui apparaissaient n’être ni des travailleur·euses ni des touristes mais des « voyageur·euses ». 

Voyageurs et Voyageuses, avec un grand V. Tout est plus noble, plus profond, plus spirituel avec une majuscule, non ? Les Hommes. L’Histoire. La Liberté. Le Voyage(ur·euse). 

Pour moi, la personne qui voyageait, qui vivait de voyage, (s’)était déchargée du superflu. Tout ce qu’elle « possédait » tenait (devait tenir ?) dans son sac à dos (et sur sa carte bancaire ?). Elle ne vivait pas (plus ?) pour travailler mais travaillait pour vivre. Pour voyager. 

Elle ne travaillait plus forcément contre (pour ?) de l’argent mais pour subvenir à ses besoins « primaires », pour avoir un toit sur la tête et à manger dans son assiette. Elle (re)trouvait la vie simple. La vie sobre. 

Cette image que j’avais me parlait, me donnait envie, me faisait rêver. Alors le rêve est devenu réalité. Le rêve a laissé place à la réalité. À l’expérience rêvée devenue réelle.

Une expérience pas comme les autres ?

J’ai voyagé, j’ai travaillé. J’ai voyagé « en travaillant ». J’ai pris ce que je pouvais prendre (et j’ai donné ce que je pouvais donner ?).

J’ai fait des travails que je n’aurais probablement jamais fait (accepter de faire ?) en France, chez moi. C’est fou à quel point tout paraît « mieux », à l’étranger, n’est-ce pas ? 

« Tu fais quoi de beau en ce moment, Camille ? »
« – Bah, en ce moment je nettoie les chambres d’un écolodge…
« – Ah (?) »
« – … au Nicaragua »
« – Whaou, mais c’est géééééééénial ! C’est où déjà le Nicaragua, rappelle-moi ? Non mais, franchement, c’est incroyable ce que tu vis »

Et je caricature à peine. 

En même temps, n’est-ce pas tout le but du « workaway » de se retrouver à faire, à « expérimenter » des choses, des « travails » que nous ne ferions finalement jamais, sauf en voyage ? 

En y réfléchissant, j’aurais pu aller apprendre l’espagnol en Espagne. Mais bon, il faut l’avouer, l’Amérique latine c’est moins chère et plus exotique. J’aurais pu apprendre à jardiner chez mes parents mais bon dire qu’on fait du woofing dans une ferme de la pampa équatorienne c’est plus glamour que dire qu’on plante des tomates avec son « padre » dans la France périphérique ou qu’on fait une saison chez l’agriculteur ou l’agricultrice du coin. Non ?

Et puis, ça n’apporte sûrement pas autant de « likes » sur les réseaux sociaux, ni une aussi « jolie » ligne sur le CV, n’est-ce pas ? 

Alors j’ai préféré, j’ai eu besoin, j’ai choisi de partir plusieurs mois en Amérique latine, comme tant d’autres jeunes (et moins jeunes ?) en quête de sens, d’aventure(s), d’expérience(s) ou que sais-je. Et, je ne vais pas vous mentir, je crois bien que j’ai kiffé (le raconter ?).

C’était une expérience pas comme les autres. Pas comme celles que j’avais eu avant. Quoique.

Une expérience finalement comme les autres ? 

Combien de personnes ai-je croisées sur les routes, faisant la même chose que moi ? Combien de personnes, autour de moi, ont fait ou prévoient de faire la même chose ? Combien d’écoles encouragent les années « sabbatiques », de préférence à l’étranger, « far far away » ? Combien d’entreprises valorisent (requièrent ?) ce type d’expérience ? 

Combien de personnes pensent qu’elles louperaient quelque chose si elles ne tentaient pas, elles aussi, l’expérience ? « Cette » expérience ? 

Après, chaque personne est unique et donc chaque expérience l’est aussi, me diront certain·es. Certes. Chacun·e vivra le passage du bac ou bien le passage du permis à sa manière, mais le point est qu’une grande majorité d’entre nous le passera. Aura envie de le passer ? Devra finir par le passer ? Y passer ? 

Et ce que je considère comme une « expérience », une « aventure », une « leçon de vie », une « quête de sens » reste du travail. Il n’est pas rémunéré puisqu’il est « expérimenté », mais il est « travaillé ».

Et ça, certain·es l’ont bien compris. Alors, il n’est pas rare de voir de nombreuses auberges de jeunesse, bars, restaurants, clubs de plongée ou que sais-je « tourner » quasi-exclusivement sur de la main d’oeuvre « volontaire » et « étrangère » dans certaines zones touristiques d’Amérique latine et sûrement d’ailleurs. 

Après tout, pourquoi payer un·e réceptionniste, un· e serveur·euse alors que tou·tes ces volontaires étranger·ères sont prêt·es à le faire gratuitement voire même parfois à payer pour le faire ? Ou plutôt, pour « expérimenter », devrais-je dire ?

Pourquoi certains travails seraient des « travails » d’un côté et des « expériences » de l’autre ? Pourquoi certains travails seraient des emplois pour certain·es et des volontariats / bénévolats pour d’autres ? Pourquoi acceptons-nous dans certains cas de travailler gratuitement ? À qui ce travail gratuit profite ? Et qui en paye le prix ? Pourquoi faisons-nous certains travails à l’étranger que nous ne ferions sûrement pas dans notre pays ?

Qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà voyagé en « travaillant » ? Est-ce quelque chose que vous aimeriez essayer ? Pourquoi ? Pourquoi pas ?

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Sources citées et aller plus loin

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2 réflexions au sujet de “Pourquoi ne pas voyager en « travaillant » ?”

  1. Coucou Camille
    Alors pour ma part je me suis expatriée avec mon mari aux USA (expérience qui a duré 3 ans). Ce fût une expérience de vie oui, et au niveau du travail ce fût aussi intense avec des hauts et des bas. En tout cas c’est vrai qu’on est de plus en plus à partir à l’étranger pour tenter une nouvelle vie, voir autre chose etc…d’ailleurs, je ne dirai pas que cela ne me tente pas encore aujourd’hui !
    A bientôt !
    Audrey
    https://pausecafeavecaudrey.fr

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    • Coucou Audrey,

      Ahh, oui trois ans, ce n’est pas rien ! C’est marrant que tu parles de « tenter une nouvelle vie » car je crois que quand on part « ailleurs », que ce soit à l’étranger ou seulement dans une nouvelle ville, on a souvent cette idée de nouveauté, cette impression de pouvoir y faire de nouvelles choses, et même y être une « nouvelle personne », comme si « chez nous » on ne pouvait pas changer, se réinventer ?

      Après, s’installer à l’étranger et y travailler est une expérience encore différente de voyager et travailler, je pense. J’y consacrerai d’ailleurs peut-être un article 🙂

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