Un travail équivaut-il toujours à une rémunération ?

Lors d’une discussion, Victor, mon copain, m’a dit que pour lui un « vrai travail » était censé apporter une rémunération puisqu’il devait nous permettre de vivre. C’était la première fois que j’entendais quelqu’un définir le travail sous cet angle.

J’avais toujours refusé d’associer la notion de rémunération au travail. Ou tout du moins de réduire le travail à une activité rémunérée. Pour moi, la rémunération n’avait rien à voir avec le travail. C’était un travers de notre société centrée sur l’argent. Je ne voulais pas m’abaisser à cela. Penser que l’argent définissait ce qu’était un travail ou non. 

Et voilà qu’un autre point de vue venait chambouler mes convictions. Alors j’ai eu envie d’explorer cette question du travail et de sa rémunération.

Travailler pour gagner sa vie ?

Avant toute chose, j’ai eu envie de vérifier la définition du travail. Et voici ce que la recherche « travail définition »  de mon navigateur internet a donné :

Travail, nom masculin

1. Période de l’accouchement pendant laquelle se produisent les contractions (Femme en travail)
2. Ensemble des activités humaines organisées, coordonnées en vue de produire ce qui est utile ; activité productive d’une personne (Le travail)

Synonymes : action, activité, labeur, travailler

Dans ces deux définitions du travail, il n’est nulle part fait mention de rémunération. Pourtant, l’idée qu’un travail est rémunéré ou encore que, pour gagner de l’argent, il faut travailler est communément admise. On est même éduqué·e en ce sens. C’est drôle quand on y pense car on est d’abord éduqué·e à travailler gratuitement durant nos études.

Pas étonnant que nombre de jeunes sorti·es de l’école se sentent ensuite illégitimes à toucher un salaire pour faire ce qu’ils ont fait gratuitement pendant des années. Et comble de l’ironie, certain·es paient des écoles pour pouvoir y travailler gratuitement, comme d’autres payent pour des « expériences professionnelles ». Et oui, avoir un beau cv, cela a un prix.

Je ne me souviens plus à quel âge j’ai intégré l’idée que pour vivre il fallait de l’argent et que pour avoir de l’argent il faudrait que je travaille. J’imagine que j’étais encore enfant tant cette idée est ancrée dans notre société. Enfin dans mon cas, elle n’est pas ancrée depuis si longtemps que cela puisque je suis une femme.

La rémunération, gage et valeur de notre travail ?

J’ai donc fais des études pour ensuite (espérer ? me battre pour ?) avoir un travail et donc gagner ma vie, sans dépendre de personne. J’avais envie de faire un travail qui me plaisait, mais les travails qui me plaisaient n’étaient pas ou peu payés, voire même pas considérés comme des travails. Comment ça écrire, ce n’est pas un travail ?

Alors j’ai eu des travails, j’ai gagné ma vie. Et je me suis éteinte à petite feu. Ennui, manque de sens, incompréhension, solitude. Et puis, comme je l’ai raconté dans mon article sur les petits boulots (car il y en a des « grands » de boulots ?), j’ai accepté une vision « alimentaire » du travail. Et je me suis sentie mieux.

J’ai commencé à vouloir me dégager le plus de temps possible pour travailler sur mes passions. Mécanique rationnelle de dédoublement entre un « travail alimentaire », c’est-à-dire un travail qui paye mes factures et qui est, idéalement, le moins chiant possible et « un travail de coeur », qui a un sens et de la valeur à mes yeux mais qui ne me permet pas (encore ?) de gagner ma vie. Autant vous dire que, pour moi, mon travail, le travail qui me faisait vibrer, qui m’animait n’était clairement pas celui qui payait mes factures.

Alors, lorsque j’entendais des personnes me dire qu’il serait temps pour elles de commencer à travailler, d’entrer dans la « vie active » car des stages, des services civiques, des « petits boulots », du bénévolat ce n’était pas du « vrai travail », ça me révoltait. Pourquoi une activité non rémunérée ou peu rémunérée ne serait-elle pas considérée comme du travail ? Pourquoi certaines activités seraient minimisées, dévalorisées sur le seul critère de la rémunération qu’elles rapportent (ou ne rapportent pas) ? Pourquoi notre salaire serait-il un gage et même une valeur de notre travail ?

Et quand on y réfléchit pourquoi la récompense de notre travail passerait-elle principalement par l’argent ? Pourquoi des primes financières et pas des primes de temps par exemple ?

Un travail peut-il être non rémunéré ?

Depuis la nuit des temps, les êtres humains ont été actifs et productifs, sans rémunération. Et aujourd’hui encore. Une femme ou un homme s’occupant du ménage, de la cuisine, de ses enfants ne sera pas rémunéré·e. Mais doit-on pour autant considéré qu’il ou elle ne travaille pas ? Ou bien que ce n’est pas un « vrai travail » ? Et dans ce cas, pourquoi dès lors qu’il ou elle le ferait pour une autre personne, pour un·e employeur·euse qui le ou la paierait pour cela, cette même activité serait alors (re)qualifiée de travail ?

Pourquoi va-t-on avoir tendance à dévaloriser le travail que l’on fait en stage ou en service civique ? Pourquoi ne va-t-on pas considérer nos activités bénévoles ? Pourquoi une tâche, dès lors qu’elle serait effectuée par un.e stagiaire ou un.e bénévole ne serait-elle pas du (vrai) travail ? Alors que cette même tâche réalisée par un·e salarié·e, c’est à dire une personne (mieux) rémunérée pour le faire le serait ? Qu’est-ce qui modifie cette activité ou plutôt le regard que l’on porte dessus outre le fait que dans un cas elle n’est pas ou peu rémunérée ?

Alors, un travail peut-il être non rémunéré ? Tu l’auras compris, a priori, ma réponse à cette question est oui. Ce n’est pas parce qu’une activité n’est pas rémunérée qu’elle ne devrait pas être considérée comme du travail ou encore dévalorisée. J’aurais même tendance, au contraire, à survaloriser le travail gratuit ou peu payé au sens où pour moi il serait plus noble. Plus noble car si sa finalité n’est pas sa rémunération alors son sens est ailleurs, non ?

Pourtant, si nous reconnaissons le travail non rémunéré comme étant du « vrai travail », ne risquons-nous pas de revenir à des formes d’exploitation contre lesquelles nous avions précédemment lutté ? Et en ce sens, ne devrions-nous pas considérer que tout travail devrait être rémunéré et continuer de nous battre pour cela ? Cela ne signifie pas que nous devons continuer de dévaloriser un travail gratuit car la rémunération d’un travail n’en fait pas sa valeur mais lutter pour que chaque travail soit rémunéré et permette de vivre dignement.

Qu’en pensez-vous ? Considérez-vous que le travail = rémunération ?

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Sources citées et aller plus loin

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2 réflexions au sujet de “Un travail équivaut-il toujours à une rémunération ?”

  1. Je n’ai vraiment RIEN à ajouter tellement je suis d’accord avec toi et tant tu as bien exprimé ce que je pense. Ca rejoint pas mal mon dernier article, d’ailleurs… Je te remercie d’en parler.
    Je crois aussi que parler d’argent est compliqué en France (peut-être ailleurs mais je ne parle que de ce que je connais) et que les gens considèrent que le salaire doit venir d’un effort et pas d’un plaisir (peu importe le temps de TRAVAIL que ça représente)
    Je me permet de te conseiller le film “Libre et assoupi” qui te plaira sûrement, si tu ne l’as pas vu, dans lequel j’ai d’ailleurs appris que le mot travail venait du latin Tripalium, qui était un instrument de torture… A méditer… : )

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    • Coucou Justine,

      Oui, je me suis fait la même réflexion en lisant ton dernier article qui m’a énormément parlé. C’est vrai qu’on n’aime pas trop parler d’argent en France et que dès lors que le travail (ou certaines tâches de son travail) pourrai(en)t nous faire plaisir ce n’est soudain plus “vraiment” un travail. Et avec une origine latine d’un mot signifiant un instrument de torture, comme tu le rappelles, on part de loin pour déconstruire ce rapport “effort” (voire “souffrance” ?) -> “travail”. Je n’ai jamais entendu parler du film “Libre et assoupi”, je viens de checker la bande-annonce et il me donne bien envie, merci du conseil ?

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