Pourquoi travaillons-nous gratuitement ?

Pourquoi travaille-nous gratuitement ? Je m’étais penchée, dans un précédent article, sur cette question de rémunération définissant ou non un travail. Si vous voulez retrouver cet article, c’est par ici

J’ai eu envie de revenir sur cette question de rémunération ou plus précisément de non-rémunération d’un travail. S’il me semble évident que ce n’est pas parce qu’une activité n’est pas rémunérée qu’elle ne devrait pas être considérée comme du travail ou encore dévalorisée, la question du pourquoi (pourquoi pas ?) travailler gratuitement ne me semble, elle, pas si évidente.  

Alors, pourquoi travaillons-nous gratuitement ? Ai-je déjà travaillé gratuitement ? Pourquoi ? Pour quoi ? Pour qui ? 

Travailler gratuitement au nom de demain ?

Spontanément, la première réponse qui me vient à l’esprit est : « pour préparer l’avenir ». Cette phrase que nous avons tous et toutes entendue (et pensée ? et répétée ?) si souvent. Il faut préparer notre avenir. Il faut penser à préparer notre avenir. 

C’est d’ailleurs une des questions de la vie qui me semble la plus difficile (prise de tête ?). D’un côté, je crois profondément aux vertus de la réflexion (construction ?) à long terme, j’aime les projets, j’aime patienter, j’aime prendre le temps et, de l’autre, j’ai peur car « nous n’avons qu’une vie » alors à force « d’attendre » demain, ne vais-je pas « passer à côté » d’aujourd’hui ? De ma vie ? 

Si je repense aux fois où j’ai travaillé gratuitement je pense donc à cette idée « d’investissement pour l’avenir ». Je pense à mes études dans lesquelles j’ai investi temps, effort et argent, et dans lesquelles ma famille et l’Etat ont également investi de l’argent. 

Je pense aux stages que j’ai effectués gratuitement ou presque. Je pense aux volontariats et aux bénévolats. Je pense aussi à toutes ces petites tâches et services rendus gratuitement sous prétexte que cela m’entraînerait. Ou encore que cela me ferait « connaître »

En anglais, ce phénomène a un terme : le « Hope Labour » [nda : signifiant littéralement le « travail de l’espoir »]. Le « Hope Labour », le « travail de l’espoir », désigne le travail que nous acceptons de faire gratuitement dans l’espoir que cela nous apporte expérience(s) et visibilité, expérience(s) et visibilité qui devraient finalement nous permettre de décrocher un « vrai » travail, au sens d’un travail rémunéré, c’est-à-dire qui nous permette de vivre. 

Travailler gratuitement pour faire ses preuves ?

J’ai souvent entendu qu’il fallait faire ses preuves. Je trouvais d’ailleurs cela plutôt logique. J’ai accepté de faire un stage de six mois. Il m’en fallait un pour valider mon diplôme, donc avais-je vraiment le choix de toute manière ? 

J’ai vite compris que mon stage était en fait une création de poste. Lorsque certain·es avaient proposé d’ouvrir ce poste, d’autres n’étaient pas sûr·es de l’intérêt. Ils et elles sont finalement tombé·es d’accord pour prendre un·e stagiaire. Et voilà comment j’ai pu commencer (en stage) dans cette structure.  

Au final, mon stage s’est plutôt bien passé et ils m’ont proposé un CDD de six mois à son issue. Cela signifiait donc que j’avais fait mes preuves, non ? 

Hum, pas entièrement puisqu’ils ne m’avaient proposé « qu’un » CDD de six mois. Lorsque je leur ai demandé pourquoi, ils m’ont expliqué que c’était le « process » habituel. Qu’ils étaient contents de moi, qu’il ne fallait pas le prendre personnellement, tout le monde était passé par là. 

Ensuite, ils me proposeraient un CDD de 12 mois, puis un CDI. Il fallait que je vois ça comme une sorte de période d’essai. Période d’essai ? Qui, dans mon cas, durerait 6 mois de stage, puis 6 mois de CDD et enfin 12 mois de CDD, c’est-à-dire 2 ans au total. Pourtant, il existe des périodes d’essai au CDI prévues pour cela, non ? 

Je n’étais pas sûre de bien comprendre mais bon j’avais une proposition de travail alors même que je n’avais pas encore obtenu mon diplôme, je n’allais pas chipoter pour si peu. J’étais heureuse. Et fière. 

Par la suite, j’ai réalisé que ce genre de « process » était commun. Habituel. Normal. 

J’ai entendu des structures proposer des stages à des jeunes déjà diplômé·es car c’était la « politique de la maison ». Pour y entrer, il fallait commencer en stage. Alors certain·es n’hésitaient pas à payer une nouvelle année d’université, d’école, ou encore à payer un organisme tiers lorsque ces dernières refusaient, dans le seul but d’avoir une convention de stage. 

J’ai également vu des structures, notamment associatives, proposer non pas seulement des stages mais aussi des bénévolats. L’idée que, pour travailler dans le secteur associatif, il faut d’ailleurs déjà avoir eu des expériences bénévoles est d’ailleurs largement répandue (et acceptée ?). 

J’ai des ami·es qui, une fois diplômé·es ont fait un service civique car c’était toujours mieux que d’être au chômage. Et qu’en général les services civiques sont de chouettes expériences dans de chouettes structures. Des structures engagées qui « vendent » du sens à défaut de (pouvoir?) payer ?

Le système encourage l’enchaînement d’expériences pas payées (ou sous-payées). Pire, il le normalise. Et le prix à payer ne sera pas pour tous et toutes le même en fonction de nos ressources notamment, c’est-à-dire bien souvent à cet âge, des ressources de nos parents. Il entretient cette idée de preuve. Prouver aujourd’hui qu’on pourrait être un bon employé·e demain. Ce faisant il renforce également l’idée d’un travail à tout prix. C’est-à-dire à n’importe quel prix. Sans prix ?

Travailler gratuitement pour se rendre visible ?

Un travail gratuit serait alors un investissement sur l’avenir. Une manière de gagner de l’expérience. Une façon de faire ses preuves. Et aussi de « gagner » en visibilité. 

Il permettrait de rencontrer des personnes. Et donc de « se rendre visible » auprès de celles-ci. 

Il permettrait de montrer un travail, que personne ne paierait (encore ?) mais qui pourrait convaincre, à plus ou moins long terme, d’être (enfin !) payé·e pour celui-ci. 

La question de la visibilité me semble d’autant plus centrale aujourd’hui, à l’ère du numérique. Nous pouvons techniquement être vu·e par tous et toutes dans le monde entier. Ainsi plus d’excuse(s) permise(s), tout le monde a les outils en main, non ? 

Un des premiers exemples qui me vient d’ailleurs en tête est le blogging. Je passe beaucoup de temps à écrire sur ce blog. À faire des recherches en amont pour alimenter mes réflexions. À gérer les aspects techniques et visuels. Et à le « faire connaître » (me « faire connaître » ?). Je travaille gratuitement. Pour le plaisir. Et avec l’espoir de m’améliorer, de faire mes preuves et de gagner en visibilité. 

Ceux et celles qu’on appelle « créateurs et créatrices de contenu » ne sont pas forcément rémunéré·es pour le contenu qu’ils et elles produisent. Se faire rémunérer est néanmoins possible et c’est peut-être d’ailleurs cela aussi qui encourage ces créateurs et créatrices à persister. Et outre une rémunération possible, on parle souvent de la « visibilité » que cela peut « offrir ». 

En 2011, le Huffington Post est vendu à 315 millions de dollars à AOL. À l’époque, ce journal en ligne fonctionne avec environ 100 salarié·es et 9000 blogueur·euses « bénévoles ». Suite à l’annonce de ce prix de vente, certain·es blogueur·euses vont entamer une grève pour réclamer leur « part du gâteau ». 

Quatre d’entre eux vont même monter une « class action », c’est-à-dire un recours collectif à l’encontre du Huffington Post et notamment d’Ariane Huffington, une de ses fondatrices. Selon les blogueur·euses, une grande partie de la valeur permettant ce profit ayant été produite par leur travail, ils et elles en méritent une part. Selon Ariana Huffington, aucune rémunération n’a jamais fait parti du contrat, et elle rappellera : « I pay you with exposure » [nda : « je vous paie en visibilité »]. Le juge tranchera en faveur du journal au motif duquel il n’y a pas eu de manipulation, les blogueur·euses ayant accepté tacitement le contrat (sans rémunération) à chaque fois qu’ils et elles ont posté. 

La sociologue Maud Simonet explique dans son passionnant essai, « Travail gratuit, la nouvelle exploitation ? » qu’Ariana Huffington n’a effectivement jamais menti. Mais que cela n’a pas pour autant empêché le fort sentiment de trahison ressenti par une partie des blogueur·euses. En écrivant sur le Huffington Post (premier journal en ligne démocrate), ces dernier·ères avaient l’impression de contribuer à une cause. Beaucoup pensaient d’ailleurs que c’était une association et non pas une entreprise. Or, en apprenant le profit fait, ils et elles ont eu le sentiment que cela changeait le sens de ce travail gratuit qu’ils et elles étaient pourtant prêt·es à fournir. Elle explique d’ailleurs qu’un des blogueurs de la class action lui a confié en interview qu’alors même que le procès était en cours, il n’avait pas pu s’empêcher de poster un article traitant de politique sur le Huffington Post. Il ajoute que son avocat n’était pas content mais qu’il fallait qu’il s’exprime politiquement. Et selon Maud Simonet, c’est précisément cette contradiction là qu’il faut prendre au sérieux quand on parle de travail(s) gratuit(s). 

Quand on parle de travail(s) gratuit(s), il y a l’idée de preuve, de visibilité et « d’investissement pour l’avenir ».  Mais il y a aussi la question des valeurs

Travailler gratuitement au nom de valeurs ?

Ainsi, on accepterait de travailler gratuitement au nom de valeurs. On accepterait de ne pas valoriser monétairement son travail puisqu’il est valorisé par autre chose. 

Valorisé par le sentiment d’être utile, de faire quelque chose qui a du sens, de « (re)donner » à la communauté, d’aider. Valeurs qui sont d’ailleurs bien souvent valorisées par la société et donc qui nous valorisent. 

Travailler gratuitement pour être un·e bon·ne citoyen·ne ?

Un des meilleurs exemples est probablement ce que l’on appelle (pompeusement ?) « l’engagement citoyen ». L’engagement citoyen est un terme à la mode ces dernières décennies, bien qu’il ne soit pas un phénomène nouveau. 

Lorsque nous disons que nous sommes bénévoles, nous attirons en général des regards sympathiques (admiratifs ?).  Être bénévole c’est un peu comme être un bon fidèle au Moyen-Âge. C’est accepter de donner de son temps, de son énergie aux plus démuni·es et ce de manière désintéressée puisque non-rémunérée. C’est être un·e bon·ne citoyen·ne. Une belle personne. Une âme charitable.

Les plus cyniques d’entre nous diront que c’est une belle ligne sur le CV, une bonne manière de développer des compétences, de faire des rencontres, de se constituer un réseau. Je ne le nie pas. Mais je crois également que ce sont rarement les seules raisons qui nous y poussent. 

Maud Simonet (oui encore elle, je vous la recommande vivement), a co-réalisé une étude avec l’universitaire américain John Krinsky intitulé « Who cleans the park ? Public work and urban governance in New York City ». Cet essai part d’une observation simple : au milieu des années 70, on compte environ 7000 employé·es municipaux·ales et plus que 2000 en 2007. De là, on peut se demander « who cleans the park ? » [nda : « qui nettoie le parc ? »]. 

La réponse à cette question est qu’il y a plusieurs « profils » qui coexistent : des fonctionnaires (même si moins nombreux·euse qu’avant) et des bénévoles. Et parmi ces bénévoles, encore une fois on peut distinguer plusieurs « profils » : jeunes en volontariat, bénévoles sur leur temps libre, allocataires au « workfare » [nda : littéralement « travailler pour le bien-être », est un concept introduit en 1968 par James Charles Evers qui désigne une aide sociale des États-Unis, mise en place dans les années 1970, qui prévoit que les bénéficiaires aptes au travail doivent travailler en échange de leur allocation]. 

Ainsi, les « profils » sont variés, ils coexistent mais ne travaillent pas forcément ensemble. Il y a ceux et celles qui sont rémunéré·es et ceux et celles qui ne le sont pas. Il y a ceux et celles qui l’ont a priori choisi et ceux et celles qui y sont a priori contraint·es. Les auteur·rices notent qu’on y observe majoritairement des femmes mais des femmes que tout oppose socialement. 

Maud Simonet et John Krinsky expliquent effectivement que d’un côté les bénévoles vont être valorisé·es comme étant de bon·nes citoyen·nes, que des cérémonies pour les féliciter seront organisées et que de l’autre les allocataires doivent venir prouver qu’ils et elles sont encore de bon·nes citoyen·nes, montrer qu’ils et elles « méritent leurs aides » et « racheter » leur citoyenneté. 

Leur essai précise que cela se ressent également dans les tâches confiées. Les tâches les plus « valorisantes » sont données aux bénévoles puisqu’on a envie qu’ils et elles reviennent. Et ils et elles sont libres de ne pas revenir, contrairement aux allocataires. En anglais, on parle de « free labour » qui a d’ailleurs ce double sens, que l’on ne retrouve pas en français, de « gratuit » et de « libre ». Libre parce que gratuit ? Gratuit parce que libre ? Un travail gratuit et libre pour les bénévoles mais seulement gratuit pour les allocataires. 

Ce n’est pourtant pas parce que le travail est « contraint », qu’il est nécessairement « subi » par les allocataires. Pour certain·es c’est ce travail qui les aide à se lever le matin, qui leur permet de ne pas se sentir inutiles, de ne pas s’isoler. Moi même, je n’ai jamais fait autant de bénévolats que pendant mes périodes de chômage. On voit également de nombreuses personnes qui, une fois à la retraite décident de s’investir bénévolement dans une association

On entend souvent dire qu’un·e bénévole ne remplacera (ne remplace ?) jamais un·e salarié·e. Ce qui est certain c’est qu’il y a des tâches faites par tout le monde, voire des tâches déléguées aux bénévoles (ou aux volontaires en service civique, aux stagiaires, aux bénéficiaires d’aide sociale). Et les travailleur·euses du secteur associatif qui sont confronté·es au travail gratuit des autres effectuent également un certain nombre de tâches « gratuites », d’heures supplémentaires non comptabilisées, etc. Or, même si nous aimons notre travail, que notre travail a du sens, nous restons un·e salarié·e avec des droits. Et le fait de défendre des droits n’enlève rien au fait d’être passionné·e, si ? 

Travailler gratuitement pour être une bonne épouse et une bonne mère ?

Ces enjeux du travail gratuit ont été posés depuis longtemps par les féministes. C’est d’ailleurs via cet axe de réflexion que Maud Simonet aborde le sujet dans son livre « Travail gratuit : la nouvelle exploitation ? », précédemment cité. Cette exploitation ne serait-elle donc pas si nouvelle que cela ?

Le travail domestique, comme on l’appelle souvent, a longtemps été à l’unique charge des femmes, l’est encore dans de nombreux endroits du monde et le reste encore majoritairement aujourd’hui en France même si on avance progressivement vers plus d’égalité, « devant le panier de linge sage », comme dirait Titiou Lecoq. 

Une femme se doit d’être une « bonne épouse » et une « bonne mère ». Et ce, qu’elle travaille « uniquement » à l’intérieur du foyer ou bien aussi à « l’extérieur ». Pour les plus privilégiées, une partie du travail incombant au foyer pourra être déléguée à des personnes extérieures et donc rémunérées (la plupart du temps d’autres femmes). Mais ce qui restera leur reviendra toujours majoritairement de « droit ». Ou plutôt de devoir, devrais-je dire ? 

Certain·es proposent de « rémunérer » ce travail « gratuit  ». D’autres le refuse par peur de finir par tout « monétiser ». Certaines aiment ce travail plus que leur travail « extérieur » et rémunéré. Certaines préfèrent travailler à la maison qu’à l’extérieur. Et certains (au masculin) aussi parfois, même si c’est encore difficilement accepté (compris ?) dans notre société. 

Maud Simonet parle de « guerre des valeurs » qui est, selon elle, « au coeur de la complexité des travails gratuits et au coeur de ce qu’ont voulu nous montrer les penseuses féministes : penser ensemble amour et exploitation en ne rabattant pas obligatoirement l’un sur l’autre ». Et ainsi penser nos valeurs telles l’amour, la citoyenneté, l’engagement avec la question de l’exploitation et essayer de les articuler.

Des leçons à tirer des analyses féministes ?

Maud Simonet explique dans cette interview passionnante (youtube) qu’on « ne peut pas juste dire à un·e stagiaire, un·e bénévole, une personne au foyer : “t’as vu, t’es exploité·e”. C’est plus compliqué que cela ». Pour elle, il faut repenser l’exploitation pour sortir de l’approche exclusivement marxiste. Et s’inspirer des analyses féministes, qui n’ont pas répondu à toutes les questions mais les ont d’après elle toutes posées.

Personnellement, j’étais la première à penser que « tout travail mérite salaire », comme on dit. Que la passion, l’espoir ou la visibilité ne permettent pas de payer ses factures. Que le travail gratuit c’est de l’exploitation pure et simple et un point c’est tout. Tout (tous·tes ?) dans le même sac.

En lisant Maud Simonet, j’ai alors réalisé que je ne pensais le travail gratuit qu’au seul prisme de sa (non)rémunération. Que ce n’était pourtant pas la seule manière de le penser. Et que les analyses féministes pouvaient être de précieux outils d’analyse sur le travail (gratuit).

La première leçon qu’en tire Maud Simonet est de « penser le travail gratuit comme un déni de travail, “au nom de” valeurs ». Parce qu’une femme aime ses enfants, s’en occuper ne serait pas « vraiment » du travail. Tout comme, parce qu’un·e photographe adore faire des photographies, en faire ne serait pas un travail et donc justifierait de le faire gratuitement. En ce sens, le travail gratuit est une « appropriation comme travail d’une activité qui n’est pas vécue comme telle parce qu’exercée au nom de l’amour ». Amour, dans ces cas-là. Solidarité ou citoyenneté dans d’autres cas.

La deuxième leçon est de « penser l’exploitation au-delà du marché », c’est-à-dire accepter de décentrer la question de l’exploitation pour sortir du schéma traditionnel exploitation = salariat = capitalisme = marché.

Et enfin la troisième leçon consiste à « penser le travail gratuit au prisme des rapports sociaux », c’est-à-dire de sexe, de classe et de race. Accepter que le travail gratuit n’est pas le même pour tous et toutes et ne se vit donc pas de la même façon, comme on l’a vu notamment avec l’exemple de « Who cleans the park ? ». Ou entre deux jeunes qui ne sont pas issu·es du même milieu social ou encore entre une personne à la retraite et une personne en recherche d’emploi.

Ainsi la question de l’exploitation ne serait-elle pas tant une question de (non) rémunération (et donc de travail gratuit) que d’appropriation de son travail par autrui ?

Et vous qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà travaillé gratuitement ? Pourquoi ? Pour quoi ? Pour qui ? 

N’hésitez pas à réagir en commentaire, c’est fait pour cela ! Et si vous avez Instagram, vous pouvez aussi suivre les actus et venir discuter par ici !

Sources citées et aller plus loin

↓ Vous avez trouvé cet article intéressant ? Partagez-le !

6 réflexions au sujet de “Pourquoi travaillons-nous gratuitement ?”

  1. Merci à travail en questions pour ce nouvel article très fourni et pour toutes les sources qui ont été apportées. J’ai regardé la vidéo de Maud Simonnet que tu conseillais, une super découverte et un éclairage très instructif qui vient très bien compléter ton article.
    Ton article m’ a véritablement permis d’effectivement mieux penser l’articulation des valeurs et la complexité des motivations autour de l’emploi.
    J’aurais juste deux choses de mon point de vue pour compléter ta réflexion :
    -le terme de travail gratuit me semble peut-être un peu trop neutre ou pas assez parce que ces travails gratuits tendent aussi à devenir des travails qui coûtent, où il s’agit littéralement de payer pour travailler : les livreurs qui doivent payer le matériel (Sacs, vélos, voiture…) qui leur est imposé par la société pour laquelle il travaille, le stagiaire qui utilise son ordinateur et téléphone personnel ou paie la cantine sur son lieu de travail, certaines compagnies aériennes font par exemple payer des pilotes pour voler et effectuer des heures de vols nécessaires au maintient de leur licence…
    -Je pense que la question du travail gratuit, même de l’emploi précaire ne doit pas se limiter à la relation employeur-employé, ou celui qui propose le travail et celui qui l’effectue; mais c’est un choix de société et notamment dans notre manière de consommer. Car quand nous payons un légume, du lait, un vêtement et nous voulons toujours payer le moins cher ou quand on veut absolument que tout soit low-cost, ceci a des répercussions au bout de la chaîne : c’est le travailleur qui en paie le prix, créant un cercle vicieux de nivellement par le bas.
    Pour moi, les premiers travailleurs gratuits aujourd’hui en France, ce sont certainement les agriculteurs qui n’ont pour beaucoup même pas les moyens de se payer un salaire correcte quand ils peuvent déjà en toucher un, parce que les produits se vendent à perte et parce le premier réflexe, moi y compris, c’est de vouloir payer un, deux, trois, dix centimes moins chers parce que je suis conditionné par la logique du marché (attention je ne dis pas que la loi du marché c’est mal :)) et que j’oublie que derrière cela il y a un travailleur.

    Répondre
    • Salut Vico_dico,

      Merci je suis contente de lire que l’article t’a questionné et que tu as regardé la vidéo de Maud Simonet (je la trouve passionnante !) ?

      Tes réflexions sont intéressantes, c’est vrai que j’ai abordé uniquement le travail que nous faisions (acceptions de faire ?) gratuitement, ce qui ne signifie pas sans coût(s) tu fais bien de le rappeler.

      Je ne savais pas que les pilotes devaient dans certains cas payer pour voler et maintenir leur licence, ça me paraît fou. C’est vrai que dans beaucoup de travails rémunérés, des coûts sont à la charge de l’employé·e qui doit les assurer si il ou elle veut travailler. En te lisant j’ai aussi l’exemple des “missions humanitaires bénévoles” qui me vient en tête pour lesquelles des jeunes (ou plutôt leurs familles) payent pour faire “l’expérience” de l’aide humanitaire (expérience au sens d’acquérir de nouvelles compétences mais aussi au sens d’essayer quelque chose de nouveau et “d’exotique”). Il y avait une vidéo super de Charline Vanhoenacke que tu peux retrouver ici dans laquelle elle finissait d’ailleurs par dire “quand il y aura trop de bénévoles il faudra payer pour travailler gratuitement”. Et oui, il y a effectivement des personnes qui payent pour travailler gratuitement c’est fou (révoltant !) quand on y pense !

      Je suis également d’accord avec ton second point. C’est le problème de ces métiers qui sont payés aux résultats (aux produits) et non pas aux heures travaillées, alors certain·es gagnent plus qu’ils ne passent d’heures certes mais pour d’autres c’est tout le contraire et c’est notamment le cas des agriculteur·trices qui en plus n’ont pas le contrôle sur leur production (réglementations à respecter, intempéries imprévisibles, maladies de leurs animaux…). C’est vrai qu’en tant que consommateur·trice on voit souvent seulement le prix et pas le(s) coût(s) derrière, comme tu le dis on va souvent au moins cher, parfois on est mal informé·e ou encore on n’a le choix car on galère déjà à boucler les fins de mois. Et puis le poids des habitudes à la vie dure aussi et on est tellement pris·e dans sa routine qu’on ne prend pas le temps de se questionner, de s’informer, de trouver des alternatives. Mais c’est clair que ce sont nos comportements individuels à vouloir toujours plus pour moins cher qui alimentent le système, qui créent, comme tu le dis un cercle vicieux de nivellement par le bas parfois au prix de la vie de travailleur·euses (d’êtres humains !) et aussi le système qui alimentent nos comportements (encore un autre cercle vicieux…).

      Merci pour tes réflexions stimulantes ! Je reviendrai sûrement sur ces sujets dans de prochains articles ?

      Répondre
  2. “Valorisé par le sentiment d’être utile, de faire quelque chose qui a du sens, de « (re)donner » à la communauté, d’aider. Valeurs qui sont d’ailleurs bien souvent valorisées par la société et donc qui nous valorisent.” ce passage m’a particulièrement touché. Il représente vraiment très bien ce que je peux ressentir lorsque je souhaite partager sur mon blog ou instagram.
    Je ne sais pas ce que je pourrai ajouter à cet article très complet et très juste, je trouve. Je vais sûrement m’intéresser à cette Maud Simonet qui m’a l’air d’être passionnante. Je te remercie, d’ailleurs, de nous l’avoir fait découvrir.
    Pour répondre à tes dernières questions, je crois que je ne ferai que me répéter mais bien sûr, j’ai parfois la sensation de travailler gratuitement. Que ce soit lorsque je m’occupe de ma maison ou lorsque je passe 3h d’affilés à gérer mon blog. Le fait de dépenser du temps et de l’énergie dans quelque chose qui nous passionne, ou pas, sans avoir de retour nous donne l’impression, parfois, d’avoir perdu du temps. Je crois que la première rémunération des “blogueuses”, du moins des créateurs de contenus, c’est déjà les commentaires, les retours, les messages des gens. Au moins, on voit que ça sert, et l’argent viendra peut-être par la suite. Au moins, ça pousse à continuer à s’investir et à investir du temps… 🙂

    Répondre
    • Coucou Justine,

      Cela ne m’étonne pas que tu te sois retrouvée dans ce passage ? Et je pense que Maud Simonet va t’intéresser, tu me diras !

      Merci de partager tes réponses à mes questions c’est super intéressant de lire ce que chacun·e en pense. Je te rejoins sur ton avis sur le blogging (ou la création de contenu de manière générale) c’est l’échange, les commentaires, les discussions qui alimentent notre travail et nous motivent à travailler (gratuitement). Et c’est d’abord une passion et un passe-temps pour beaucoup (il faut dire que c’est (quasi) impossible d’en vivre au début de toute façon) donc je pense qu’on n’a pas forcément en tête l’aspect rémunération. D’ailleurs j’ai l’impression que beaucoup de personnes aux métiers créatifs ont du mal à “mettre un prix” comme si le fait de “vendre”, ce qui a pourtant été produit en travaillant, allait enlever de la valeur à leur travail. Alors qu’à un moment il faut bien vivre et pourquoi faire un travail que l’on aime justifierait de ne pas gagner de l’argent ? Est-ce qu’un·e vendeur·euse ou un·e directeur·trice ne serait plus payé·e dès lors qu’il ou elle aimerait son travail ? Après dans le cas du blogging, si c’est notre choix d’investir du temps gratuitement je ne considère pas que c’est de l’exploitation (ou alors de l’auto-exploitation ?). Mais si une marque propose de nous faire travailler “gratuitement” au nom de la visibilité ou encore de l’engagement là pour moi on est dans l’exploitation, par exemple car comme le dit Maud Simonet c’est “un déni de travail au nom de valeurs”. Ainsi pour moi la question du “pour qui” on travaille gratuitement est centrale. Même si ce n’est pas tout blanc ni tout noir car parfois on peut (penser ?) travailler gratuitement pour soi, parce qu’on l’a choisi, accepté et pourtant être exploité·e par un système.

      Répondre
  3. Coucou
    Le travail gratuit a encore de beaux jours devant lui quand on voit la quantité de stages proposés. Et le meilleur aussi c’est Pole Emploi qui demande aux gens de travailler gratuitement pour ne pas faire de trous dans leurs CV ou bien pour montrer qu’ils sont motivés pour faire telle ou telle formation. On croit rêver…le travail gratuit paierai donc les factures?
    Des bisous
    Audrey
    https://pausecafeavecaudrey.fr

    Répondre
    • Coucou Audrey,

      Ah mais je ne savais pas que Pole Emploi demandait de travailler gratuitement ! Je savais en revanche que dans certaines régions françaises les bénéficiaires du RSA pouvaient sur la base du volontariat se “porter bénévoles” pour travailler… on n’est pas loin du workfare à l’américaine (redonne à la société, prouve que tu es un bon·e citoyen·ne, que tu “mérites” ces aides…). Ce qui est grave car même si je pense que cela peut être bénéfique à titre individuel pour se sentir utile, ne pas s’isoler, etc cela revient à faire entrer sur un marché de l’emploi déjà saturé de la main d’oeuvre gratuite (et pas protégée par un contrat de travail !). Et on assiste, comme l’a montré l’étude de Maud Simonet “Who cleans the park ?”, à une diminution d’employé·es puisque on a des travailleurs·euses gratuit·es pour faire le (sale) boulot…. Et c’est parti pour le cercle vicieux : moins d’emplois, plus de personnes au chômage, plus de chômeur·euses qui vont occuper des emplois qui ne portent pas leurs noms (et qui ne sont donc pas rémunérés mais indemnisés) et donc toujours moins d’emplois. Sans parler de tous les bénévoles prêt·es à travailler gratuitement…

      Répondre

Laisser un commentaire

J'ai envie de suivre cette discussion et d'être prévenu·e par email d'une réponse à mon commentaire.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.