Pourquoi ne pas vouloir rentrer au travail ?

La fin des vacances d’été se rapproche (dangereusement ?) et je me demande si je veux rentrer. Si je veux faire ma rentrée, au travail. C’est étrange d’ailleurs qu’on emploie le terme de « rentrer », comme si c’était toujours là qu’on nous attendait, ça qui nous attendait. Comme si l’on partait seulement pour mieux rentrer, comme si c’était logique de rentrer. D’y rentrer.

« Rentrer » désigne le fait d’entrer, de nouveau mais aussi de revenir (chez soi). Cela signifie également mettre ou remettre à l’intérieur, dedans. Et cette dernière signification ne me laisse pas indifférente.

Je ne veux pas rentrer, au travail ?

Et qui aime y rentrer, au travail, me direz-vous ? Peut-être ceux et celles qui adorent leur boulot, ou alors les parents épuisés qui retrouvent presque un peu de calme, au travail ? Ou encore ceux et celles qui n’aiment rien faire comme tout le monde ? Car tout le monde, Monsieur et Madame Toutlemonde, avancent à reculons quand vient la fin des vacances, non ?

Et moi, même si j’aimerais être différente, sortir du lot comme on dit, même si je me sens différente, une incomprise comme on dit aussi, et bien je suis bien souvent, comme tout le monde. Mais je m’égare un peu, là. Et en même temps, ce blog n’est-il pas mon espace de prédilection d’égarement(s), dans un monde où lorsque nous sommes perdu·es nous devons (re)trouver notre chemin. Rentrer dans le droit chemin. Rentrer, au travail.

Tracer sa route. Faire carrière. Se projeter dans 5 ans,10 ans, 100 ans. Ou ou au moins faire semblant. « Fake it until you make it » chantonnent en coeur les gourous du développement personnel, c’est-à-dire « fais semblant jusqu’à ce que tu y arrives ». Mais pourquoi faire semblant d’être ou d’être là où, de toute manière (sans manière, aucune ?) je ne veux pas arriver, y arriver.

Je ne veux pas « monter les échelons », ni manager ou diriger ceux et celles (des échelons) d’en bas. Je ne veux pas « aller plus haut », n’en déplaise à Tina Arena. De là, que me reste-t-il ? Attendre la retraite ? Espérer qu’un jour nous travaillerons moins ? Qu’un jour nous ne serons plus obligé·es d’être casé·es, (r)entré·es dans un travail, pour exister, subsister ?

Obligé·es de rentrer au travail, de rentrer dans le moule du travail au risque de finir comme une tarte (coucou S., une tarte au Travail). Et d’avoir paradoxalement tout aussi peur de s’en éloigner de ce moule, car un moule ça délimite, ça contient, ça donne forme et donc ça rassure ?

Je ne veux pas rentrer travailler, à l’intérieur ?

Plus la rentrée se rapproche, plus je sens monter l’angoisse en moi de rentrer travailler, à l’intérieur. Je n’ai pas envie de me renfermer, entre quatre murs. Et pas seulement métaphoriquement.

Je me suis souvent sentie enfermée au travail, et dans la vie de manière générale. Et puis est venu le temps des confinements, et nous avons tous et toutes été littéralement enfermé·es. Bizarrement, je ne l’ai pas si mal vécu, au début. C’était comme si ma réalité imaginaire était devenue une imagination réelle. Comme si ce que je ressentais depuis si longtemps avait enfin une réalité, une explication rationnelle et donc une (bonne) raison d’être. Et puis nous étions tous et toutes dans le même bateau, même si pour certain·es le bateau était un yacht et pour d’autres de simples rondins de bois assemblés.

Jusqu’au jour où, je ne sais plus quand précisément, ça a fini par devenir insupportable. En fait, je crois que si, je sais, c’est quand j’ai dû travailler, confinée. Lors du premier confinement, j’étais au chômage et cela me semblait étrangement plus facile. Plus facile d’être au chômage confinée qu’en temps « normal » et plus facile d’être confinée au chômage qu’en temps « normal », la normalité étant de « travailler », n’est-ce pas ?

Mais ensuite, j’ai retrouvé un travail (car un travail ça se « retrouve » comme on retrouverait une paire de clefs égarée ?). Et je me suis sentie attachée pieds et poings liés à mon pc, ou plutôt yeux et doigts rivés sur mon clavier, doublement enfermée, dans un écran et dans mon appartement.

Alors cet été, en vacances j’ai extériorisé. J’ai vécu à l’extérieur. J’ai apprécié l’extérieur. Je me suis tournée vers l’extérieur. J’étais « hors ». « Hors » du travail. « Hors » du temps compté. « Hors » du temps comptabilisé. « Hors » du temps tracké (traqué ?). Tic tac, tic tac, money money.

« Hors » des sentiers battus. « Hors » du chemin tracé. « Hors » du chemin balisé. Échelonné. Intériorisé.

Aujourd’hui, je rentre au travail

Au sens figuré comme au sens propre. Je rentre travailler, à l’intérieur. Non plus à l’intérieur d’un écran, chez moi, mais à l’intérieur d’un écran, là-bas, à mon bureau que je côtoie pour la première fois tous les jours, avec tous·tes mes collègues.

J’ai souvent changé de travail, cinq en six ans précisément, sans compter les quelques mois que j’ai passé à travailler en échange d’un toit et de nourriture en Amérique latine. Lorsqu’on me demande d’expliquer (de justifier ?) mon « parcours », je dis souvent que « c’est compliqué de trouver un travail stable quand on est jeune » ou encore que « j’ai voulu essayer différentes choses pour trouver ce qui me plairait », car un travail doit nous plaire, nous passionner, nous apporter du bonheur, d’autant plus quand on fait partie des 10% de privilégié·es les plus diplômé·es.

Ces explications ne sont pas fausses, elles détiennent une part de vérité à laquelle je crois plus ou moins selon les moments. Mais au fond de moi, je sens bien que je ne veux pas « rentrer ». Je ne veux pas « rentrer » au travail. « Rentrer » dans un travail. « Rentrer » dans le monde (le moule ?), du travail.

J’aime être « hors », toujours un peu en retrait. Ça me rassure, comme un cran de sécurité. Alors je fais des allers-retours, un peu dedans, un peu dehors, et jamais trop longtemps au même endroit, histoire de ne pas me retrouver à monter des échelons et finir par croire que le chemin ne vaut qu’en ascension.

Histoire de ne pas rentrer dans la case (ma case ?) travail, inlassablement, car c’est là qu’on nous attend, « ça » qui nous attend mais revenir à moi, chez moi. Dans un monde où nous ne « rentrons » pas au travail, nous y allons, seulement, comme nous allons à d’autres endroits.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Ça vous parle ? Comme avez-vous vécu votre rentrée (au travail) ? Ou non-rentrée ?

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Sources citées et aller plus loin

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2 réflexions au sujet de “Pourquoi ne pas vouloir rentrer au travail ?”

  1. Merci Camille pour cet article, encore une fois pertinent. Très précis dans les termes choisis, j’adore la façon que tu as de décortiquer les mots: rentrer, retourner, hors…
    Quand je te lis, ça résonne sur la fatigue que je peux avoir à justifier également mon parcours, “hors norme”, pas exceptionnel, juste différent et pour certains peu compréhensible, peu logique. Devoir justifier pourquoi on a des périodes de temps libre (pourquoi devrait-on forcément l’appeler chômage?), des temps de boulot, de formation dans des branches différentes… Même si j’ose espérer que certaines choses tendent à évoluer et que la ligne toute tracée tend à disparaitre 😉

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    • Salut Blandine,

      Je suis heureuse de lire que l’article t’a parlé (ça ne m’étonne pas au vu de certaines de nos discussions ?) !

      J’ai l’impression que même lorsqu’on a un parcours “linéaire” on se retrouve à devoir expliquer / justifier son parcours et qu’au final ce qui compte réellement dans cet “exercice” n’est pas tant ce que l’on a fait que comment on raconte le “chemin parcouru”, chemin qui se doit d’être logique et cohérent (même quand il est biscornu^^), peut-être encore un coup de notre bon vieux héritage descartien ?

      Ceci dit, je me demande si en réaction à cela on n’est pas en train d’assister au phénomène inverse de devoir de plus en plus démontrer d’un parcours “original”, ce qui est chouette pour valoriser une plus grande diversité de parcours (quoi que “l’originalité” vantée et recherchée dans le monde du travail et dans le monde de manière générale est bien souvent une “originalité” de mode avec des codes bien spécifiques nécessitant bien souvent un certain nombre de privilèges) mais aussi également à surveiller car ce serait con de remplacer une injonction ou un modèle dominant par un autre ?

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