J’ai longtemps pensé que j’étais contre la discrimination positive. Je n’aimais pas ce terme. Cet oxymore. Cette manière d’ajouter un adjectif positif à un nom qui n’en avait pourtant rien, de positif.
Le mot « discrimination », issu du latin « discriminatio, -onis » signifiant « séparation », désigne le « fait de distinguer et de traiter différemment (le plus souvent mal) quelqu’un ou un groupe par rapport au reste de la collectivité ou par rapport à une autre personne ». A priori, on entendra rarement quelqu’un·e revendiquer ce mot. Revendiquer le droit à une discrimination. Ou, tout du moins, le droit à être discriminé·e, à être traiter différemment, le plus souvent mal, c’est-à-dire pas bien. Moins bien ?
Et ça se comprend, me direz-vous. Qui voudrait être mal traité·e ? Ou, tout du moins, moins bien traité·e ?
La discrimination « positive », au contraire, cherche à inverser le traitement discriminatoire. À passer d’un traitement défavorisant à un traitement préférentiel. À préférer ceux et celles qui auraient été précédemment défavorisé·es. Ou qui pourraient l’être en fonction de certains critères jugés discriminants. Discriminables ?
Alors pourquoi la discrimination positive a-t-elle si mauvaise publicité ? Pourquoi nombreuses sont les personnes à la rejeter ? Y compris des personnes qui pourraient pourtant en bénéficier ?
Discrimination positive, une autre déclinaison de la discrimination ?
La discrimination, et son pendant « positif », posent des questions légales et morales qui ont évoluées et continueront sûrement d’évoluer dans le temps et l’espace.
En France, « toute décision de l’employeur (embauche, promotion, sanctions, mutation, licenciement, formation…) doit être prise en fonction de critères professionnels et non sur des considérations d’ordre personnel, fondées sur des éléments extérieurs au travail ».
Les critères constituant une discrimination sont les suivants :
→ l’origine
→ le sexe
→ les moeurs
→ l’orientation sexuelle
→ l’identité de genre
→ l’âge
→ la situation de famille ou la grossesse
→ les caractéristiques génétiques
→ l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée
→ les opinions politiques
→ les activités syndicales ou mutualistes, l’exercice d’un mandat électif local
→ les convictions religieuses
→ l’apparence physique
→ le patronyme
→ le lieu de résidence
→ l’état de santé ou le handicap
→ la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique de l’intéressé·e, apparente ou connue de l’auteur·trice de la décision
→ la perte d’autonomie
→ la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français
→ la domiciliation bancaire
Ces différents critères jugés discriminants ont été inscrits dans la loi. Cependant, ce n’est pas parce qu’une loi est actée qu’elle est appliquée ni même connue. Ainsi, il n’est pas rare d’observer des écarts entre ce que dit le droit et ce qui fait « loi » dans le « monde réel ».
Face aux discriminations toujours existantes a été proposé le concept de discrimination « positive ». Comme une manière de « positiver » la discrimination ? Et, ce faisant, de « rééquilibrer » la balance ?
« Positiver » la discrimination ?
Le concept de discrimination « positive » est né aux États-Unis, dans les années 1960-70, de la lutte pour les droits civiques et l’abolition de la ségrégation raciale, et ce sous un autre nom, celui « d’affirmative action ».
Après une vague d’émeutes raciales faisant plus de 170 morts et 7000 blessés entre 1964 et 1968, le gouvernement républicain de Richard Nixon décide d’impulser des politiques de traitement préférentiel à l’encontre des groupes ayant souffert de pratiques discriminatoires, et notamment de discrimination raciale, afin de favoriser leur accès, auparavant difficile, aux universités et au marché de l’emploi.
L’idée est donc de s’appuyer sur des critères « historiquement » et « culturellement » discriminants pour inverser la donne et instaurer un traitement non plus défavorable mais préférentiel sur la base de ces mêmes critères de distinction.
En France, on a choisi de nommer cette idée « discrimination positive ». Et le choix des mots est important, notre pensée ne traitant pas de la même manière le terme de « discrimination positive » que le terme d’« action affirmative » ou encore d’« égalité des opportunités » ou d’« égalité des chances », bien que la même idée se cache pourtant derrière ces différentes expressions linguistiques.
Ce faisant, on espérait « positiver » la discrimination ? La « positiver » pour finir par la justifier ? Justifier d’un traitement différentiel en fonction de critères choisis ? Subis ? Ou, au contraire, pour ne pas oublier qu’aussi « positive » soit-elle, une discrimination reste une discrimination ?
Rééquilibrer la balance ?
Coupler un adjectif positif à un concept négatif permettrait de rééquilibrer la balance ? C’est, tout du moins, ce que nous entendons le plus souvent lorsqu’on parle de discrimination « positive ». Rééquilibrer la balance au nom de la « réparation » ? Au nom de la « diversité » ?
Favoriser des groupes de personnes ayant été défavorisés nous permettrait à la fois de rééquilibrer la balance et de réparer des injustices passées. Mais les personnes qui bénéficieraient de cet avantage aujourd’hui ou demain sont-elles celles ayant subi des injustices ? Et à l’inverse, celles responsables de racheter ces injustices étaient-elles coupables de ces dernières ?
En d’autres termes, pouvons nous avoir (hériter de ?) la responsabilité morale de réparer des injustices passés commises par d’autres ? Contractons-nous seulement des obligations à titre individuel ou bien pouvons-nous (devons-nous ?) aussi contracter des obligations (des dettes ?) collectives, en tant que famille, citoyen·nes d’un même pays, habitant·es d’une même ville, membres d’une même communauté, individus appartenant à un même groupe, identifié, à tort ou à raison, comme tel ? Et ce sur combien d’années ? Combien de générations ?
Discriminer positivement différents groupes de personnes qui n’étaient auparavant pas ou peu favorisés par leurs environnements voire invisibilisés ou condamnés permettrait également de promouvoir la diversité. De reconnaître nos différences et d’en faire des forces ou tout du moins d’arrêter de les considérer comme des faiblesses ou des signes d’infériorité intrinsèques justifiant l’exclusion et/ou le moins bon (mauvais ?) traitement de certain·es par d’autres.
Alors, pouvons-nous réparer le passé ? Ou, tout du moins, faire en sorte que le futur diffère d’un passé que nous ne souhaiterions pas répéter ? Pouvons-nous rééquilibrer la balance ? Enlever du poids d’un plateau et/ou en ajouter au plateau d’à côté, diversifier les poids, ce pour atteindre un équilibre ? Un juste milieu ?
Refuser d’être traiter différemment, pour le meilleur et pour le pire ?
Nous pouvons comprendre la personne qui refuserait que nous lui enlevions quelque chose pour donner à l’autre. Qu’on la traite différemment et moins bien. En revanche, de quoi pourrait se plaindre une personne à qui l’on donnerait plus ? Que l’on traiterait différemment et « plus » bien ? Mieux ?
Pourquoi sommes-nous alors aussi nombreux et nombreuses à ressentir cette tristesse ou encore cette colère ou cette répulsion à l’idée même de pouvoir être traité·e « plus » favorablement ? À être favorisé·e ?
Nous avons ce que nous méritons ?
Je me souviens de ce jour où l’on m’a dit que c’était bien que je sois une femme car cela permettait de « rééquilibrer » le ratio homme/femme de l’équipe. Où l’on a d’ailleurs ajouté qu’on privilégiait les profils « féminins » sur le poste de chef·fe de projets car c’était plus facile d’en recruter, à ce poste, que sur les postes d’ingénieurs constituant le reste de l’équipe.
Je me souviens du sentiment de dévalorisation que j’ai ressenti. D’imposture. J’étais donc là car j’étais née « femme ». Je n’étais donc là « que » pour cela ? Grâce à cela ? Quel était mon mérite dans tout ça ?
J’ai longtemps voulu, comme tant d’autres j’imagine, être traitée comme tout le monde. Ni moins bien ni mieux. Après tout, n’est-ce pas cela qu’on nous apprend ? Et d’autant plus en France qu’ailleurs ? L’égalité n’est-elle pas inscrite à notre devise républicaine ?
Je voulais être traitée également pour ensuite pouvoir me distinguer de part mon mérite. Mon seul mérite. Je ne voulais pas qu’on me « vole ma victoire ». Je ne voulais pas de traitement de faveur. Je voulais jouer le jeu dans les règles. Les règles égalitaires qui me semblaient régir le jeu.
Le fait de croire que les emplois et les opportunités constituent des rétributions destinées à ceux qui les méritent est très profondément ancrée dans les esprits (…). Les politiques passent leur temps à proclamer que « ceux qui travaillent dur et joue le jeu dans les règles » méritent d’aller de l’avant, ainsi qu’à encourager ceux qui réalisent le rêve américain à voir dans leur succès le reflet de leur vertu. Cette conviction est au mieux discutable. Sa persistance est un obstacle à la solidarité ; plus nous envisageons notre succès comme étant de notre seul fait, moins nous nous sentons de responsabilité vis-à-vis de ceux qui décrochent.
Michael Sandel, Justice, 2016, éditions Albin Michel
Ainsi, croire que nous avons ce que l’on mérite (que nous méritons ce que nous avons ?) serait une illusion ? Que l’on est (nait ?) égal·e ? Que notre réussite repose sur notre mérite et notre échec sur notre non-mérite, non-mérite associé en général à un manque d’efforts ?
Après tout, quel individu peut dire qu’il pense et agit seul, sans l’aide ni l’influence de personne, déconnecté des autres et de son environnement ? De là, devons-nous faire le deuil de nos vieux rêves d’égalité et de mérite ?
Égalité des droits vs égalité des chances ?
Un jour d’école primaire comme un autre, un de mes petits camarades de classe m’avait dit que, moi, de toute façon, j’avais des bonnes notes car la maîtresse c’était ma mère et qu’elle n’allait donc pas me mettre des mauvaises notes. Je devais avoir 6 ou 7 ans et encore aujourd’hui je peux ressentir la rage qui s’était emparée de moi, ce jour là. Comment ça, je dois mes bonnes notes à ma mère ? N’importe quoi.
Ce n’est que plus tard que j’ai réalisé qu’il n’avait pas tort. Certes mes copies devaient « mériter » mes notes, après tout je travaillais « bien » pour avoir de « bonnes » notes. Et je ne crois pas que si j’avais rendu une feuille blanche, ou un devoir ni fait ni à faire, ma mère m’aurait mis une bonne note juste en voyant mon prénom indiqué en haut de la feuille. J’aurai même tendance à penser que les parents profs qui ont leurs enfants à l’école sont en général plus exigeants dans leurs notations. Mais je ne peux nier l’influence qu’a joué le fait d’avoir ma mère, mon père, ou encore mes grandes soeurs, disponibles, présent·es et en capacité de m’aider dans mes devoirs, dans ma « réussite » scolaire.
Je n’ai, a contrario, pas pu m’appuyer sur mon éducation familiale lors de mon premier semestre d’Université en études d’histoire de l’art et archéologie, semestre rythmé par des allégories de saint·es et des représentations bibliques en cours d’histoire de l’art médiéval et d’histoire de l’art moderne. Effectivement, j’avais eu une éducation laïque et je n’avais jamais lu la Bible. Je me souviens avoir regardé mes camarades de classe qui reconnaissaient avec une apparente facilité les différentes scènes projetées par nos professeur·es et moi qui me sentais totalement larguée. À la sortie du cours, j’ai couru me procurer une bible pour la lire au plus vite. J’avais un semestre pour rivaliser avec des personnes qui avaient eu 18 ans pour se familiariser avec ces histoires et ces représentations.
« Le droit à l’éducation est un des droits universels de l’Homme ». Cependant, avons-nous réellement les mêmes avantages ou encore les mêmes chances face à l’éducation ? Face à l’emploi ? Face à la vie ?
L’égalité des chances compromettrait l’égalité des droits et, par là même, le principe d’égalité si chère à notre République ? Pourtant, l’égalité des droits signifie-t-elle l’égalité des individus ? Peut-il y avoir une égalité des individus sans égalité des chances ? Ne devrait-on pas accepter certaines inégalités de droit dès lors qu’elles feraient disparaître certaines inégalités des chances ? Mais peut-on vraiment espérer construire de l’égalité sur quelque chose d’aussi volatile et incontrôlable que la chance ?
Reconnaître notre chance et notre malchance ?
Comme Rawls nous le rappelle, « personne ne mérite ses capacités naturelles supérieures ni un point de départ plus favorable dans la société ». Et nous ne pouvons pas davantage porter à notre crédit le fait de vivre dans une société qui en est venue à valoriser nos points forts. C’est une preuve de notre bonne fortune, et non de notre vertu.
Michael Sandel, Justice, 2016, éditions Albin Michel
Discriminer un individu est juridiquement sanctionnable. Pour autant est-il si simple de prouver une discrimination ? Et même tout simplement de s’en rendre compte ? Certaines discriminations ne sont-elles pas si intériorisées qu’elles en deviennent inconscientes ? Et certains individus ou certaines entreprises ne préfèrent-elles pas s’exposer à une sanction plutôt que de revoir leurs politiques pourtant discriminatoires ?
Il semble facile (et donc commun ?) de discriminer un·e candidat·e à un entretien d’embauche en prétextant, par exemple, qu’un·e autre était tout simplement meilleur·e. Mais meilleur·e par rapport à quoi ? À qui ?
Entre deux candidat·es qui pourraient « faire le job », on peut facilement choisir l’homme qui ne risque pas de tomber enceinte, la femme la plus « jolie » susceptible « d’attirer » plus de client·es, la femme blanche qui nous ressemble et aurait, a priori, les mêmes codes « culturels » que nous, l’homme hétérosexuel dont la sexualité ne risquerait pas de heurter la « sensibilité » de certain·es.
Cela signifie-t-il pour autant que le ou la candidate non retenu·e ne méritait pas ce poste ? Ou, a contrario, que celui ou celle retenu·e ne méritait pas sa place ? Que le ou la candidate non retenu·e méritait de ne pas avoir eu ce poste ? Méritait « moins » le poste que l’autre candidat·e qui lui ou elle le méritait, au contraire, « plus » ?
Ne devrait-on pas commencer par accepter de reconnaître notre chance et notre malchance ? Accepter que nos réussites ne dépendent pas de notre seul mérite ? Accepter que malgré tous les efforts que nous fournissons nous pouvons échouer ?
Que notre « bonne conformité » à un système X à un moment T, à un environnement, à une entreprise, ou encore pour un appartement n’est pas un gage de valeur ? Un gage d’efforts ? Un gage de mérite ?
Et si ce n’est pas une question de mérite, de vertu, alors comment pourrions-nous justifier (et donc accepter ?) les inégalités ? Comment justifier que certain·es possèdent tout et d’autres rien ? Que certain·es ont un emploi et d’autres non ? Que certain·es ont fait des études et d’autres non ? Que certain·es ont un toit sur la tête et d’autres non ? Que certains vivent et d’autres meurent ?
Il faudrait accepter que certain·es sont plus chanceux et chanceuses ? Se sentir humble d’avoir eu la chance d’être choisi·e, de réussir. Et ne plus se sentir misérable d’avoir eu la malchance de ne pas l’avoir été, « choisi·e », de ne pas avoir « réussi » ?
Et si nous nous sentions « en chance » plutôt que « méritant·e », comment pourrions-nous condamner quelqu’un·e qui n’en aurait pas eu, de chance ? N’aurions-nous pas envie de partager notre bonne fortune plutôt que de chercher à en justifier son exclusivité ?
Et vous qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà observé un traitement différentiel, qu’il soit « positif » ou « négatif », à votre égard ou à l’égard de quelqu’un d’autre ? Comment y avez-vous réagi ? Que pensez-vous de la discrimination positive ? De l’égalité des chances ? De l’égalité ?
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Merci Camille pour cet article. Toujours extrêmement documenté et suscitant la réflexion.
Fervente opposante à la discrimination positive, j ai récemment revu mon discours. Comme tu le décrit, j ai toujours pensé que si une opportunité se réalisait je l avais mérité et que si en revanche je n avais pas l appart/ le stage/ le job j avais donc dé-mérité. À présent je suis une femme dans un milieu professionnel majoritairement « masculin » et où l accent depuis quelques années est mis sur la mise en place d une « discrimination positive » pour les femmes qui – si elles sont aussi nombreuses que les hommes à l entrée disparaissent de l organigramme autour de 30/40ans et sont peu représentées dans les positions de « management ». Au début je combattais cette discrimination positive qui conduisait mes collègues à de plus en plus nombreux commentaires du type « promue car une femme » / « à ce poste car une femme » etc. Puis lors d une discussion avec mon « mentor » (que l on m a assigné car en tant que femme « à mon niveau » j ai besoin d une aide supplémentaire par rapport à mes collèges masculins…) m a fait changé d avis.
1) L illusion du mérite – certains hommes ne bénéficient pas ouvertement de discrimination positive mais sont promus sur bien d autres bases que le mérite (affinité / « copain de « pub » / profil similaire)
2) Nécessite de « forcer » et accélérer les choses pour avoir au niveau des décisionnaires / comités une diversité de profils permettant de prendre des décisions plus « justes » car décidées par des profils différents
Et c est ce dernier point qui me fait à présent comprendre la nécessité de cette discrimination positive avec l espoir (le rêve) qu une fois une société (ou une entreprise) où les décisionnaires seront aussi diverses (ethnicité/ sexe/ orientation sexuelle etc) que la population – les choix seront entièrement basés sur le mérite car tous biais sera ôté ou au moins débattu.
Coucou LaHyène,
Merci pour ton témoignage, c’est super intéressant !
Comme tu le soulignes un des gros problèmes de la discrimination positive c’est le regard que l’on pose dessus. Ceux et celles qui seraient discriminé·es positivement seraient stigmatisé·es ou moqué·és, ce qui est d’ailleurs un des principaux arguments soulevés par les personnes qui s’y opposent. Et les personnes discriminées positivement intérioriseraient ce sentiment, se sentant en imposture, redoublant d’efforts pour montrer qu’ils ou elles n’auraient pas « volé » leur place et risquant de perdre au passage estime et confiance en soi. Alors qu’à contrario j’ai rarement entendu quelqu’un·e se faire rappeler qu’il ou elle était là car favorisé·e par un système, sûrement parce que la discrimination contrairement à la discrimination positive est beaucoup plus difficile à identifier et donc à dénoncer ou combattre qu’un quota écrit et assumé noir sur blanc. Et qu’on a plutôt en général envie ou simplement tendance à s’adapter à son environnement et à se fondre dans une majorité plutôt que de revendiquer une position « minoritaire ».
Je te rejoins sur tes deux points concernant l’illusion du « mérite » et la « diversité ». Je crois au pouvoir de la représentation et je pense que la promotion de la diversité est un excellent outil en ce sens. En revanche, je ne crois pas qu’un jour on pourrait avoir une société dans laquelle les choix seraient débattus « entièrement » sur le mérite parce qu’il peut difficilement y avoir une seule et même définition du mérite à mon sens et encore moins une mesure du mérite.
Super article, vraiment très intéressant ! Moi non plus je n’aime pas le vocabulaire employé « discrimination positive » qui a quand même une connotation négative. En lisant ton article j’ai réalisé que j’avais certainement eu moins de discrimination à l’embauche que de nombreux autres pour plusieurs raisons : j’ai choisi des métiers qui étaient majoritairement pratiqué par des femmes. Et aussi parce que je suis passé par des concours qui jugeait donc de nos capacités (j’ai rédigé très peu de CV et de lettre de motivation dans ma vie ).
J’ai l’impression que la meilleure solution pour éviter la discrimination à l’embauche et donc favoriser l’égalité des chances serait de mettre des concours ou des examens pour tout. Evidemment ça ne règlerait pas tout les problèmes (surtout que beaucoup de métier demande une pratique physique) mais ça pourrait quand même éviter certaines injustices !
Coucou Olivia,
Merci pour ton retour, tu soulèves des points intéressants ! En te lisant, je me suis rappelée que dans une de mes expériences pro on avait aussi des équipes composées majoritairement de femmes et qu’on essayait de recruter des hommes afin d’avoir plus de mixité. Je me souviens d’ailleurs que beaucoup disaient qu’on n’arrivait pas à recruter des hommes car les salaires qu’on proposait étaient « trop faibles » (mais « suffisants » pour recruter des femmes, apparemment). Ca t’es arrivée aussi dans tes métiers d’observer que les hommes étaient discriminés « positivement » au nom de la mixité ?
Sur la question des concours, je suis mitigée. D’un point de vue strictement personnel, j’ai aussi le sentiment qu’en passant un concours je serais plus « justement » jugée. Mais quand on regarde les statistiques des concours d’entrée aux « grandes écoles » par exemple (car il y aurait des « petites » écoles ?), on voit que les étudiant·es ne sont pas très diversifié·es socialement et que les enfants issu·es de la classe ouvrière ne représentent qu’un très faible pourcentage. Idem sur les concours de la fonction publique, notamment aux catégories « les plus hautes » (catégorie A). Face aux concours, qui sont le plus souvent « normés », il me semble qu’encore une fois on ne part pas tous avec la même « chance », les mêmes conditions. D’autant plus que de plus en plus d’organismes payants proposent des prépas au concours que tous et toutes n’ont pas forcément les moyens de payer. La question des concours est une question passionnante, ce n’est pas facile de se positionner sur ce sujet, je trouve. Et je n’avais pas pensé à la question de la pratique physique non plus mais c’est effectivement un paramètre à prendre en compte, et pas si facile à prendre en compte non plus d’ailleurs j’ai l’impression.
PS : qu’est-ce que je t’ai enviée quand j’ai lu que tu avais rédigé très peu de CV et lettre de motiv dans ta vie 😂
Merci de mettre des mots sur ce que je n’arrive pas à verbaliser concernant la « discrimination positive ». C’est comme si on voulait s’autoriser, se donner le droit de faire de la discrimination puisqu’elle serait plus utile que d’autres. Je ne comprends pas.
Je crois que chaque être humain nait avec son bagage, ses possibilités, ses capacités et ce qu’on lui impose (parents, famille, cercle familial, amis, collègues…). Ensuite, chacun essaie de se débrouiller avec ce bagage, plus ou moins lourd et ce que les autres tentent de lui faire croire. Et on fait comme on peut, au mieux. Certains sont privilégiés, d’autres mériteraient tellement plus de possibilités. Malheureusement, rien n’est égal pour qui que ce soit et j’espère que nous pourront trouver de plus en plus d’équilibre sur ce sujet pour chacun. Y a du boulot. En tout cas, tes questions méritent réflexions, énormément et j’espère que beaucoup te lisent parce que tu permets d’améliorer nos opinions et notre vision du monde et de la société en général. Bravo 🙂
Coucou Justine,
Je suis touchée de lire que tu trouves que mon contenu suscite des réflexions et merci à toi d’y réagir et d’alimenter les questionnements !
J’aime bien ton image du bagage. Perso, la première image qui me vient à l’esprit c’est un sac à dos, qui est parfois vide, parfois (trop) rempli, que quelqu’un·e peut nous aider à porter parfois, ou qu’on décharge sur d’autres d’autres fois, ou qu’on peut nous piquer aussi, ou bien partager, un sac familier que l’on aimerait peut-être échanger par moment mais qui nous réconforte aussi peut-être, qui pèse lourd ou que parfois on oublie… oui décidément j’aime bien cette image 🙂
Comme tu dis rien (ni personne) n’est égal et y a du boulot. Comme toi j’ai longtemps eu du mal avec la discrimination positive (notamment du fait de cette appellation) et je ne voulais absolument pas être « discriminée » que ce soit tout court ou positivement (et même encore moins « positivement » d’ailleurs, je crois). Aujourd’hui, je pense néanmoins que la discrimination positive peut participer (et est même probablement nécessaire) dans bien des situations qui alimentent des inégalités systémiques (tout en se revendiquant pourtant « méritocratiques » ou « égalitaires »), ce même si elle a des limites et des défauts.