« Où vous voyez-vous dans 10 ans » ? Qui n’a jamais dû répondre à cette question, ou tout tu moins ne s’est jamais préparé·e à y répondre ?
La première fois que je me suis posée la question
Je crois que la première fois que j’ai commencé à réfléchir à cette question était à la fin de mes études. Je devais chercher un stage de fin d’année alors que je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire « quand je serais grande ».
Je n’ai jamais eu d’idée précise et arrêtée de ce que je voudrais faire, « plus tard ». Longtemps cela ne m’a pas dérangée, je pouvais faire l’autruche en me disant que je verrais bien l’année d’après, que j’avais encore de la marge avant de devoir me décider.
Sauf que là, ma marge commençait à fondre comme neige au soleil. Plus possible d’esquiver, de regarder ailleurs, de remettre à plus tard.
Alors, j’ai essayé d’y réfléchir, j’ai essayé de me projeter à 10 années (lumière) de moi, là, étudiante de 24 ans en quête d’avenir. D’advenir. Où est-ce que je me voyais dans 10 ans ?
Dans 10 ans, j’aurais 34 ans
Habiterais-je encore la même ville ? Comment sera ma maison ? Est-ce que je vivrais dans une maison ou dans un appartement ? Et pourquoi pas dans un camping-car, en train de faire le (dé)tour du monde ? Avec quelqu’un·e ? Plusieurs personnes ? Qui ?
Mais attendez, là, je crois que nous nous éloignons du sujet, je dois réfléchir à là où je serais « professionnellement » dans 10 ans, et pas à l’à côté (sous-côté ?). C’est « ça » l’objet central de ma question, le nerf de la guerre comme qui dirait. Car c’est « ça », le boulot, qui permet de vivre, à côté, non ?
D’un autre côté, vu que je ne sais pas trop où je serais (où je voudrais-être ?), professionnellement parlant, je peux m’adapter et ça c’est plutôt un avantage, n’est-ce pas ?
Il faut s’adapter
« Il faut s’adapter » semble être le nouvel impératif de notre société comme dirait la philosophe Barbara Stiegler. Alors à la question « où vous voyez-vous dans 10 ans » suffirait-il de répondre : « je me vois m’adapter (encore et toujours) » ?
On prône de plus en plus l’adaptabilité, la flexibilité. On nous martèle que le monde est mouvant, que l’on ne sait pas de quoi demain sera fait, que nombre des boulots de demain n’existent pas encore aujourd’hui et que nombre des boulots d’aujourd’hui seront obsolètes demain, que nous sommes trop nombreux et nombreuses sur cette Terre et que le monde (des humain·es) court à sa fin.
Paradoxalement, on continue de nous demander « vous vous voyez où dans 10 ans ? ».
Vous vous voyez où dans 10 ans ?
Je sais que je ne sais pas
Aujourd’hui j’ai 30 ans et je me sens toujours aussi perplexe lorsqu’on me pose (que je me pose ?) cette question. Je sais que je ne sais pas où je me vois dans 10 ans. Ou plutôt je n’arrive pas à me visualiser à un endroit bien précis, menée par un chemin bien précis. Ce n’est pas que je refuse d’y croire, que je n’ai pas envie de me faire de faux espoirs, que je m’auto-limite ou que sais-je. Non, je sais que je ne sais pas. Que je ne peux pas savoir.
Dans ma tête je vois une multitude de chemins, qui parfois se croisent, parfois non, qui parfois se ressemblent, parfois n’ont rien à voir. Je n’ai pas envie de tous les emprunter, je sais que je ne peux pas tous les emprunter. Mais je n’ai pas pour autant envie d’en choisir un, je sais que je ne peux pas en choisir un.
Je peux raconter une histoire
Je peux raconter (me raconter ?) une histoire, je peux me projeter, je peux imaginer un des multiples scénarios pouvant me mener d’un point A à un point B en passant par un point C. Je peux rendre cette histoire cohérente, ou bien loufoque, sérieuse ou bien aventureuse, linéaire ou bien décousue et même un peu de tout cela à la fois.
Mais, à part dans ma tête, je ne peux pas savoir comment mon histoire va se dérouler avant qu’elle ne se déroule. Et la vie ne se vit pas que dans la tête, si ?
Une histoire qui roule
L’important me diront certain·es c’est d’avoir une histoire qui roule. Une histoire qui avance. Une histoire de croissance.
Dans 10 ans, on aura crû, grandi, de 10 ans. Et lorsqu’on grandit, comme lorsqu’on croît, on prend littéralement de la hauteur, non ? Qui se souvient de la joie, enfant, de se mesurer et de réaliser que nous avons grandi, que chaque trait que l’on tire nous rapproche un peu plus de la lune collée à notre plafond.
Ne pas viser la lune, ça me fait pas peur
Dès lors, répondre « au même endroit » à la question « vous vous voyez où dans 10 ans ? » serait-il pire que de répondre que l’on ne sait pas ? Car derrière cette question, au fond, n’est-ce pas cela que l’on attend (évalue ?) ? Notre capacité à montrer que nous n’allons pas seulement avancer au sens de continuer notre route, mais aussi (et surtout ?) avancer au sens de gravir (la montagne, les échelons…), de prendre de la hauteur, monter en grade, gagner plus, capitaliser, croître.
Mais peut-on croître linéairement et constamment ? Est-ce le seul objectif ? L’objectif principal ? La croissance n’a-t-elle pas de fin (finalité ?) ? Ne s’arrête-t-elle pourtant pas, littéralement et naturellement, à l’âge adulte ? Faut-il s’attaquer à une montagne et la gravir jusqu’au sommet ? Ne peut-on pas apprécier la vue à mi-chemin, avoir envie de redescendre, choisir de découvrir une autre montagne, arriver en haut mais ne pas s’y sentir bien, rester au même endroit, et même un peu de tout cela à la fois ?
Et vous qu’en pensez-vous ? Que répondez-vous à la question « vous vous voyez où dans 10 ans ? » ?
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Sources citées et aller plus loin
Merci Camille pour cet article lié à notre rapport au temps et au travail!!! 🙂
De rien Blandou, heureuse de lire qu’il t’a parlé 🙂