Comment s’est passée ma première expérience freelance ?

Le 19 août 2019, je commençais ma première expérience freelance. Après une mauvaise expérience professionnelle et beaucoup de questionnements existentiels, j’avais décidé de tenter l’aventure pour devenir travailleuse indépendante. Je m’étais sentie emprisonnée dans mon précédent travail et j’avais envie de tenter une nouvelle approche du travail qui m’apparaissait, comme bien souvent apparaît la nouveauté, séduisante. 

Un des principaux avantages que je voyais dans le fait d’être freelance était de pouvoir travailler depuis n’importe où et d’être libre, ou tout du moins plus libre, qu’en étant employé·e et notamment d’organiser son temps. Cela n’a pourtant pas été complètement le cas pour cette première expérience freelance puisque mon client voulait que je vienne dans ses locaux et que c’était une condition non négociable à la mission.

Au début, cela m’a rebutée. Je n’avais pas envie de me retrouver dans un bureau, avec des horaires fixes. Et puis au final, j’ai accepté. La mission avait l’air intéressante et l’équipe sympa. Et je me suis dit que ce serait une bonne manière d’expérimenter le freelancing tout en gardant un certain cadre de « travail classique ». 

Après tout, qu’est-ce qui me disait que j’allais réussir à travailler depuis chez moi ? À me motiver à sortir chaque matin du lit alors que je n’ai de contraintes que celles que je me fixe ? N’allais-je pas procrastiner ? M’ennuyer ? Me laisser aller ? Être freelance tout en faisant partie d’une équipe me semblait être le parfait compromis dans ma situation.

Cela allait me permettre de reprendre une activité en me sentant libre puisque je ne m’engage pas sur un contrat mais sur une mission. Puisque je vais travailler pour un client et non pas pour un·e employeur·euse, ce qui signifie que je n’aurai pas de lien de subordination. Mais je ne me retrouverai pas seule pour autant. J’aurai des locaux dans lesquels me rendre, des horaires plus ou moins fixes pour me faire sortir du lit, une équipe pour me motiver. 

Une déclaration simplifiée en ligne plus tard et me voilà immatriculée « micro-entreprise ». Je suis prête à facturer et donc à commencer ma première mission freelance. Je me souviens avoir pensé que cela me faisait tout drôle. J’ai une (micro)entreprise. Me voilà auto-entrepreneuse. Pourtant je n’entreprends rien de particulier. Plutôt que de vendre mon temps à un·e employeur·euse, je le vends à des client·es. Cela ne me paraît pas si différent, si ?

Comment j’ai vécu ma première expérience freelance ?

Premier jour de travail, doux mélange d’excitation et de stress. D’autant que je n’avais pas « travaillé » depuis quasiment un an. J’avais été en arrêt maladie pendant plusieurs mois, puis j’avais repris du poil de la bête en suivant une formation en développement web. J’étais donc excitée. Excitée de commencer une nouvelle activité avec de nouvelles personnes. Et stressée. Stressée de commencer une nouvelle activité avec de nouvelles personnes. Et oui, la nouveauté c’est souvent excitant et stressant à la fois, non ? 

Et puis j’appréhendais. J’appréhendais que cela se passe mal. Ma dernière expérience en date étant une mauvaise expérience, je ne pouvais pas m’empêcher d’avoir des pensées négatives qui remontaient. J’avais peur de ne pas réussir à reprendre le rythme. J’avais peur de ne pas réussir à gérer le stress. J’avais peur que cela se passe mal au niveau relationnel. J’avais peur de ne pas réussir à identifier et communiquer mes limites. J’avais peur de ne pas réussir tout court. Car si je ne réussissais pas, si je m’effondrais encore une fois, cela voudrait dire que le problème c’était moi. Et si je n’étais pas capable de travailler qu’allais-je bien pouvoir faire de ma vie ? 

Mais bon, il faut se lancer. Et puis, souvent, ce qui fait le plus peur finalement, c’est ces quelques secondes avant de se lancer dans l’inconnu. C’est fou tous les scénarios qu’on a le temps de se projeter en accéléré dans la tête en l’espace de quelques secondes. Ces quelques secondes avant de se jeter à l’eau. Ces quelques secondes avant de passer une nouvelle porte. D’entrer dans un nouveau bureau. Ces quelques secondes qui paraissent une éternité. Puis, adrénaline aidant, vient la demi-seconde de mise en mouvement. Celle qui nous terrifie le plus mais pendant laquelle on se sent paradoxalement invincible. Et plouf, c’était parti. Je venais de passer la porte de mon nouveau travail. 

Nouveau travail, nouveaux collègues ?

Nouveau travail, nouveau bureau, nouveaux collègues. Mais, en étant free-lance, suis-je vraiment leur collègue ? Un·e collègue est une personne qui « exerce la même fonction qu’un·e autre ou appartient au même établissement ». En ce sens, non. Je ne suis pas leur collègue. Ils et elles ne sont pas mes collègues. Je me souviens d’ailleurs que peu de temps après que je sois arrivée, on a réaménagé l’open space. S’en est suivi un long débat pour savoir qui prendrait quelle place. Qui devrait prendre quelle place. 

La place. La place que l’on occupe. La place que nous pouvons ou ne pouvons pas occuper. Que nous pourrons ou pourrions occuper. Que nous voulons ou ne voulons pas occuper. Place symbolique. Mais pas seulement, si ?

Alors voilà, en tant que freelance, en tant que travailleuse indépendante, c’est-à-dire qui ne s’engage pas sur le long terme, qui n’est pas liée par un contrat, il semblerait que je n’ai pas mon mot à dire. D’autant plus que j’étais aussi la dernière arrivée. Sur le moment cela m’a décontenancée. Et même un peu énervée, je dois l’avouer. Je n’aime pas la hiérarchie. J’ai du mal à comprendre pourquoi la parole de certain·es vaudrait mieux que celle d’autres. On est tous et toutes dans la même pièce. On est tous et toutes dans le même bateau. Bureau. Alors pourquoi on ne tirerait pas au sort plutôt, tiens ?

Est-ce que je suis intervenue ? Est-ce que j’ai proposé un tirage au sort ? Non et non. Ni l’un ni l’autre. Je n’ai rien dit. À quoi bon, je n’allais pas rester de toute manière. Hum, cela signifiait donc qu’en n’étant pas d’accord avec ce(ux) que j’observais, je réfléchissais pourtant de la même manière. Je me suis exclue car je savais que je n’allais pas rester. Je me suis désintéressée car bientôt cela ne me concernerait de toute façon plus. Et c’était rassurant. Cela me rassurait.

Je fais partie des personnes qui en entrant dans une pièce regardent toujours où se situent les sorties. Je serais même du genre à rester à proximité d’une sortie. On ne sait jamais. Alors le CDI par exemple, ça me terrifie. Les missions freelance, a contrario, ça me fait rêver. 

Je n’étais donc pas leur collègue et ils et elles n’étaient pas les mien·nes. Je savais que je n’allais pas rester. Et pourtant, je n’ai jamais eu autant la sensation de former une équipe. De travailler pour un même projet, avec de mêmes objectifs. J’étais freelance mais j’étais là. Et là, la seconde définition de collègue, à savoir « ami, camarade » faisait sens pour moi.

Dans mon précédent travail, il y avait un gros taux de turn-over, c’est-à-dire que les employé·es ne restaient pas bien longtemps. Quelques semaines après mon arrivée, un de mes collègues m’avait d’ailleurs dit qu’il ne faisait même plus l’effort de retenir les prénoms des gens car, de toute manière, personne ne restait. J’avais trouvé cela d’une tristesse. Et en même temps je comprenais ce qu’il voulait dire.

Et avec les boss ?

Théoriquement je n’avais pas de boss. J’avais des clients et je n’avais donc aucun lien de subordination. C’est d’ailleurs cette collaboration d’égal·e à égal·e que je recherchais le plus dans le statut de freelance, je crois.

Je ne suis pas sûre d’avoir réussi à avoir cette relation d’égal·e à égal·e. J’étais officiellement freelance et je l’avais choisi. Mais d’autres de mes collègues l’étaient ou l’avaient été. Non pas parce ces dernier·ères ne se projetaient pas dans cette structure. Ni parce qu’ils ou elles travaillaient aussi pour d’autres client·e·s. Mais car cela coûtait moins cher à la structure.

Je connaissais la technique de l’emploi des stagiaires, certain·es par ailleurs déjà diplômé·es, occupant de « vrais postes » pour réduire les coûts. Mon stage de fin d’études en était d’ailleurs une parfaite illustration puisque c’était une création de poste et que j’avais ensuite été embauchée sur ce même poste. Mais je n’avais jamais rencontré de personnes freelance travaillant à temps plein dans une structure parmi d’autres employé·es.

Je pense que les boss n’avaient pas la même vision du freelancing que moi. Car leurs employé·es et leurs freelances présent·es sur le lieu de travail étaient traité·es de la même manière. Enfin oui et non. Ils les traitaient tous et toutes comme des employé·es, c’est-à-dire en exerçant leur autorité. Ils n’avaient rien d’autoritaire et étaient même sympas. Ils utilisaient ce genre de néo-management très à la mode : on se tutoie, on se sent bien, on est une famille. Mais qui a dit que l’autorité s’exerçait obligatoirement par la force et la menace ? En revanche, les freelances n’avaient pas les mêmes droits puisque, sur le papier, ils et elles étaient freelances et non pas employé.es. Ils et elles n’avaient donc pas de congés payés. Et ils et elles pouvaient techniquement être « dégagé·es » du jour au lendemain.

J’ai eu l’impression malgré tout qu’ils se comportaient un peu différemment avec moi. Peut être car je me comportais également un peu différemment avec eux. Pour moi, ils n’étaient pas mes boss mais mes clients. Et même s’il paraît que le client est roi, il s’agit là d’une différence non négligeable, non ?

Et niveau travail ?

Camille, tu nous bla-blates sur tes collègues et tes boss/pas-vraiment-boss mais quid du travail, me direz-vous ? C’est vrai que je réalise que j’ai énormément parlé des relations humaines et finalement peu du travail. Et à vrai dire, je n’ai pas grand chose à dire sur le travail en lui même.

Pour moi, il y a peu de différence. Comme je l’ai écrit un peu plus haut, il me semble que la différence réside principalement dans la forme et non pas dans le fond. Mon temps, que je le vende à un·e employeur·euse ou à des client·es, reste mon temps. Le travail effectué reste le même, seuls les destinataires changent.

Alors est-ce que j’ai envie de continuer à avoir des missions freelance ou bien de re-devenir employée ? Bonne question. Pour le moment j’apprécie mon statut de free-lance. J’apprécie de pouvoir bosser de n’importe où et de pouvoir organiser mon temps. J’aime également la stimulation de la nouveauté et de l’apprentissage constant que me procure pour le moment la possibilité de changer de missions et d’en avoir plusieurs en parallèle. Ce sont des choses que je n’avais pas ou peu trouvées dans mes précédents boulots. Mais je sais que c’est pourtant possible dans certains emplois.

Je n’exclus pas de redevenir employée un jour. Dans l’idéal je crois que ce qui me plairait bien c’est d’avoir un emploi à mi-temps et des missions freelance qui viendraient compléter l’autre moitié. Ce que j’appréhende néanmoins avec l’emploi à mi-temps c’est l’impression d’avoir toujours un train de retard. Et de finalement passer mon temps à rattraper ce que j’ai manqué. Voire de me retrouver à sur-compenser.

Cette première expérience freelance aura été riche en apprentissages et en questionnements. Et m’aura permis de rencontrer des personnes géniales. Elle m’aura également permis de prendre conscience que j’avais besoin de travailler, certes, mais que des personnes avaient également besoin de mon travail. J’avais tellement intégré qu’il n’y avait pas de travail, que je devais me battre pour avoir un travail, ne pas faire la difficile, que j’avais oublié, ou peut être même jamais compris cela. Or, on a besoin d’un·e employeur·euse pour avoir un emploi ET l’employeur·euse a besoin d’un·e employé·e pour effectuer le travail.

Et vous, avez-vous déjà eu une ou des expériences freelance ? Si oui, comment l’avez-vous vécu ? Si non, est-ce quelque chose que vous auriez envie d’essayer ? Pourquoi ou pourquoi pas ?

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Sources citées et aller plus loin

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4 réflexions au sujet de “Comment s’est passée ma première expérience freelance ?”

  1. Bonjour Camille, j’ai beaucoup aimé ton retour d’expérience, notamment lorsque tu évoques le fait que certes, nous avons besoin de travailler, mais les autres aussi ont besoin de notre travail. Je pense que c’est quelque chose à garder en tête pour tous les freelance, en particulier pendant les phases de prospection.

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    • Salut Amtiss,

      Merci pour ton retour sur cet article ! Les phases de prospection c’est pas évident, ça me fait un peu l’effet d’entretiens d’embauche à la chaîne, peut être car je suis toute “jeune” freelance. Et tu as raison c’est dans ces moments là qu’il faut bien garder en tête qu’on apporte de la valeur à nos potentiel·les client·es (tout comme en tant qu’employé·e on apporte de la valeur à un·e potentiel·le futur·e employeur·euse) pour ne pas se décourager, ni même finir par se “brader”.

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  2. Je te souhaite bon courage pour cette activité en freelance ! J’espère que tu y trouveras ton épanouissement 🙂

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    • Merci Cindy 🙂 Comme pour tout, j’y vois des avantages et des inconvénients mais pour le moment c’est une situation qui me convient. Je n’exclus pas néanmoins de revenir au salariat un jour.

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